Contexte de l’action
En juin 2020, le règlement sur la taxonomie de la finance durable (« la taxonomie européenne») a été adopté par le Parlement européen, établissant un système de classification qui vise à identifier les activités économiques écologiquement durables pour les entreprises, les investisseurs et les décideurs politiques. Bien qu’il s’agisse d’une norme volontaire, la taxonomie devrait avoir un impact important sur l’investissement et le flux de capitaux à l’échelle européenne, mais aussi internationale.
Cette taxonomie s’accompagne de plusieurs règlements délégués, dont le premier, adopté par la Commission en juin 2021, liste les activités censées contribuer à l’atténuation du changement climatique et à l’adaptation ainsi que les critères à remplir par ces activités.
L’action conteste l’inclusion dans ce règlement de la bioénergie forestière et des activités de gestion forestière sans critères permettant de garantir que ces activités n’aggraveront pas la crise climatique par la destruction des forêts et la combustion de la biomasse.
7 ONG intentent une action devant le Tribunal de l’UE
Sept ONG ont déposé une demande de réexamen interne en février 2022, arguant que le règlement délégué était illégal car il inclut des activités de bioénergie forestière et de gestion forestière, sans critères suffisants, de sorte que ces activités loin d’atténuer le changement climatique, ne font que l’aggraver tout en contribuant à l’érosion de la biodiversité (en violation de la condition “Do no significant harm”).
La Commission ayant refusé de revoir le règlements, les ONG ont intenté un recours en annulation auprès du Tribunal de l’Union européenne, en vertu du règlement Aarhus, qui a récemment élargi l’accès à la justice aux associations en matière environnementale.
Le recours a été introduit par les ONG Save Estonia’s Forests, Robin Wood (Allemagne), Clean Air Committee (Pays-Bas), Workshop for All Beings (Pologne), ZERO (Portugal), 2Celsius (Roumanie) et Protect the Forest (Suède) avec le soutien de Lifescape Project et Partnership for Policy Integrity. Un groupe supplémentaire d’ONG a signé une lettre ouverte à la Commission européenne déclarant son soutien à la révision et à la contestation.
Nos arguments
D’après, le Règlement taxonomie, pour qu’une activité soit considérée comme durable, elle doit contribuer de manière substantielle à un ou plusieurs des six objectifs environnementaux – ici l’atténuation du changement climatique et l’adaptation – et ne pas nuire de manière significative aux autres (biodiversité, pollution…). En outre les critères à remplir par les activités référencées par le Taxonomie doivent être fondés sur la science et le principe de précaution.
Le recours soutient que les critères fixés par le règlement délégue pour qualifier de durable les activités de sylviculture et de bioénergie ne respectent pas ces exigences. En effet, ils sont sensiblement identiques aux critères fixées par la directive sur les énergies renouvelables de 2018 (“RED II”) qui sont si faibles et si peu protecteurs que la Commission européenne a proposé de les réviser en juillet 2021. Les scientifiques de la Commission soulignent eux-mêmes que de nombreuses études confirment que la combustion de biomasse forestière émet plus de CO2 par unité d’énergie que les énergies fossiles.
Nous soutenons ainsi que plutôt que d’aligner les critères de la Taxonomie sur le consensus scientifique, la Commission européenne a effectué des arbitrages en privilégiant des critères “politiquement acceptables”. Ce faisant, la Commission induit un risque de “greenwashing” en qualifiant de durable des activités augmentant les émissions de CO2 et nuisant aux puits de carbone (forêts) – exactement l’inverse de l’objectif affiché de la Taxonomie.
Des enjeux cruciaux
Pour éviter une catastrophe climatique, il faut à la fois réduire fortement les émissions et augmenter l’absorption du CO2 dans l’atmosphère, les forêts jouant un rôle crucial. Or, la combustion de la biomasse forestière dégage des émissions supérieures à celle de la combustion d’énergie fossile, et la coupe d’arbres pour exploiter la biomasse dégrade les écosystèmes forestiers et le stockage du carbone. Ainsi, si les critères de la taxonomie forestière et bioénergétique ne sont pas réformés en profondeur afin d’inclure de réelles protections pour les forêts et le climat, la taxonomie encouragera l’accélération des investissements “verts” dans des activités responsables de l’accélération de la dégradation des forêts et partant de l’accélération du changement climatique et de la chute de la biodiversité.
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