En octobre 2023, le groupe Klesch, basé à Jersey et détenant des activités de raffinerie dee pétrole, a initié trois arbitrages en vertu du Traité sur la Charte de l’énergie (TCE) contre le Danemark, l’Allemagne et l’UE[1] pour contester la “taxe exceptionnelle” sur les superprofits énergétiques introduite par le règlement européen 2022/1854 en octobre 2022 pour faire face à la hausse des prix de l’énergie, à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Ce règlement fixe une “contribution de solidarité” de 33 % sur les recettes excédentaires (c’est-à-dire les bénéfices supérieurs de plus de 20% à la moyenne 2018-2021) générées par les activités liées au pétrole, au gaz, au charbon et au raffinage en 2022 et 2023. Un porte-parole de la Commission européenne a déclaré que cette mesure avait été introduite “pour redistribuer les excédents de prevenus et de bénéfices du secteur de l’énergie aux ménages et aux entreprises afin d’atténuer les effets de la hausse des prix de l’énergie“.
Klesch affirme que le règlement européen de 2022 et ses actes d’exécution adoptés par l’Allemagne et le Danemark violent le TCE car ils sont prétendument “arbitraires, discriminatoires et punitifs“.
En juin 2024, le groupe Klesch a déposé une demande de mesures provisoires pour empêcher l’Allemagne de percevoir la taxe. Dans une décision rendue le 23 juillet 2024[2] publiée en septembre 2024, le tribunal arbitral a ordonné à l’Allemagne de s’abstenir (i) d’exiger de Klesch le paiement de tout montant en vertu de la loi allemande mettant en œuvre le règlement européen et (ii) de poursuivre toute action visant à contraindre tout paiement dû par le groupe Klesch en vertu de cette loi.[3] Se faisant, la décision Klesh a fixé des conditions très peu exigeantes (notamment en matière d’urgence et de nécessité) pour ordonner des mesures provisoires.
Plus généralement, cette décision Klesch montre que les mécanismes ISDS du TCE et des traités d’investissement induisent des limitations substantielles à la souveraineté des États (et de l’UE) – notamment le pouvoir des États d’imposer des taxes non discriminatoires – au profit d’entreprises privées du secteur des énergies fossiles.
Lire notre analyse détaillée :
[1] Klesch v Denmark, ICSID Case No. ARB/23/48; Klesch v Germany, ICSID Case No. ARB/23/49 and Klesch
v EU, ICSID Case No. ARB(AF)/23/1.
[2] Klesch v Germany, ICSID Case No. ARB/23/49, Decision on Provisional Measures (23 July 2024).
[3] De son côté, le Danemark a décidé de suspendre la perception de la contribution de solidarité.
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